Se promène

Je marchais parmi la foule. Je me laissais porter au gré des mouvements parmi le marché qui se tenait sur la place, m'approchant des étalages. Ma main jaillit, rapide et précise. Je fauchais tranquillement une tourte qui disparut dans un recoin de ma cape noire. Le marchand, un gros homme qui semblait plein de muscles se mit à hurler au scandale. Je lui adressait un sourire innocent et poursuivait ma route.
Un peu plus loin, un noble pompeux, à cheval, se permettait de donner des ordres d'une voix méprisante. Un demi-sourire flottant sur mes lèvres, je m'approchais de lui, le nez en l'air. Je lui rentrait dedans de plein fouet. Mes doigts défirent les cordons de sa bourse. Il se mit à crier, tout comme le marchand tout à l'heure, mais sans raison vraiment valable puisqu'il ignotait que je venait de lui emprunter sa bourse.

-Oh pardon... Je suis confuse... Vraiment... Excusez moi...

Je ricannais intérieurement en soupesant l'or. Il y en avait une certaine quantité, très appréciable à en juger par le poids du cuir. Je m'installais nonchallament sur le rebord de la fontaine où je recevais de très fines gouttes d'eau. Je sortis ma tourte de ma cape - tourte à la viande, d'après l'odeur - et l'attaquais avec apétit. Une fois finie, J'ouvrais la bourse en question et me rendis compte qu'elle contenait encore plus d'or que je m'y attendais.

*Bonne pioche, aujourd'hui*

Je voyais la jeune femme brune assise près de moi rêver. Je me rendis compte trop tard que j'avais eu tort de déballer mon butin devant elle alors qu'elle m'avait assurément vue près du précédent possesseur de cette bourse.

Tirée de ma rêverie, je regarde en souriant le manège de la jeune femme rousse. Elle dérobe habilement une bourse à un noble méprisant qu'elle bouscule. J'aurais douté de l'avoir réellement vue mais sans faire attention à moi, elle ouvre la bourse en cuir. Je me penche vers la voleuse.
- Vous n'êtes pas très discrète, lui chuchotai-je en riant.
Elle se tourne vers moi avec une expression indéchiffrable. Je me redresse. En réalité, je suis ravie de cette plaisanterie. Je préfére voir cet argent dans les mains de cette femme que dans celles d'un richissime favori de l'Empereur.
- Kegan Alcinie, apprentie mage-soldat, me présentai-je.
Je n'attendis pas qu'elle m'imite. Intérieurement, je sonde l'eau derrière moi pour trouver sa force. Machinalement, je carresse le pommeau de mon épée à ma ceinture.

-Saelia, voleuse et chapardeuse de son état...
*Accessoirement Grande Silhouette*

Je souriais à la jeune femme. Elle touchait le pommeau de son épée, comme si elle redoutait un quelquonque danger.

-Je vous souhaite de réussir dans votre ambition, Mademoiselle Alcinie...

Une voix qui se trouvait à l'autre bout de la place se mit à rugir à mes oreilles. Un sourire ironique s'étala sur mon visage et je me retournais.
*Tiens donc... Monsieur viens de s'apercevoir de la disparition de son argent... Ca t'apprendra, sombre imbécile.*
Je ne montrais aucune de mes émotions sur mon visage mis à part ce sourire narquois qui persistait malgré mes efforts pour l'enlever.

- Voleuse et chapardeuse... Intéressant comme métier, m'exclamai-je en riant sous cape, vous êtes peut-être...
Je laisse planer le sous-entendu. Après tout, qui est cette femme m'est égal. Elle a l'air sympathique c'est le principal.
- Merci pour vos encouragements... Les Mages-Soldats n'ont pas l'habitude de voir des filles j'ai l'impression, ça les change.
*Surtout quelqu'un comme moi* pensai-je ironiquement.
Mon sens de l'humour particulier avait de quoi dérouter. Du moins au début. Mon père me disait que je devait tenir ça de mes origines. Il n'avait pas spécialement le temps de rire. Mais il m'admirait pour cela, étrangement. Selon lui le rire a plus sa place dans le coeur des hommes que la haine. A sa mort, je me suis jurée de tout prendre (ou presque) avec bonne humeur.
- Que raconte-t-on sur le chef des Mages-Soldats, Angel, dans la rue ? demandai-je à la jeune femme, j'aime bien savoir l'avis des autres avant de me faire ma propre opinion.

Je lui lançait un regard froid pour lui signifier clairement que j'appréciais modérément sa façon de me questionner indirectement. Je tournais le regard, sans répondre tout de suite à sa question. Les Mages-Soldats... Ils n'étaient rien de plus qu'une Ghilde qui ne cherchait pas d'ennuis à la mienne et qui par conséquent se tenait en marge de mes soucis personnels. Leur général avait un peu plus d'intérêt que les autres, parce qu'il était, comme moi, souvent cité au conseil de l'empereur, souvent sous le nom de sa fonction. Pourtant, je ne savait pas à quoi il ressemblait ni à quoi il s'intéressait.

-Je n'écoute pas ce qu'on raconte.

Je m'étais adressée à elle d'une voix plus froide que je ne le voulais, à cause de son allusion de tout à l'heure. Je savais que je me souviendrais de ses soupçons beaucoup plus tard et que, si elle représentait un danger quelquonque, je risquais fort de lui faire payer sa clairvoyance.

Arrive, d'un pas rapide sur la place, puis au moment où je vais croiser ces deux jeunes filles qui discutent, je reconnais la première.

"Bonjour ! Vous êtes la nouvelle recrue, c'est ça ? Je suis Thibeï El Autan, chef de camp de la confrérie des mages !"

Je vois alors la personne à qui elle parle...En un instant, mon pouvoir de pensée me donne son identité. Je la regarde, et en lui fesant un grand sourire, je lui dit :

"Désolé, il n'y a rien à voler sur moi " je rigole

Puis me retourne vers Kegan :

"Olthad vous plait ?"

Je fronçais les sourcils. Ma marque me brûlait. Mes yeux durent foncer, comme chaque fois que j'étais énervée. Pourtant, je ne montrais rien. Après vingt-sept années de suceptibilité, j'avais fini par acquérir un contrôle sur moi-même impressionant.
Cet homme ne me plaisait pas. Allez savoir pourquoi. Je ne résiste pas à l'envie de lui piquer quelque chose pour le simple plaisir de le contredire. Il porte une bague à la main droite. Une ombre de sourire passe sur mon visage, et mes doigts, rapides et doux, comme immatériels, la lui font glisser du doigt. Je sourit.

-Ah bon? Et ça?

Je lève la main, dans laquelle, entre mon pouce et mon index se trouve l'objet que je viens de lui emprunter.

"Vous m'amusez, mademoiselle ! Vos talents de voleuse à la tire m'impressionne. Tout comme votre rang dans la guilde à laquelle vous appartenez. Maintenant, vous avez le choix : soit vous me rendez cette bague, soit, égale à vous même, vous la gardez en trophée et vous la montrerez à vos apprenti en preuve que vous m'avez volé.

*Cette femme me plait bien. Au moins comme je lui plait. Malgrès sa vie de voleuse, elle n'est pas foncièrement méchante...je l'éspère car je lui ai dit ça pour garder ma dignité, mais moi, j'y tiens à cette bague ! Ce n'est pas pour rien que je ne l'enlève presque jamais !*

Je me levais, violente, glacée. Quoi qu'il fasse, il avait intérêt à se la boucler. De toute évidence, il savait qui j'étais. Par télépathie, sans doute. Il y avait cependant quelque chose dans ma tête qu'il ne pouvait atteindre. Le secret de mes pouvoirs était farouchement gardé par la marque que je portais, signe de mon appartenance à la Ghilde. Je lui mis avec violence la bague dans la main et lui dit d'une voix froide comme la mort.

-Il est arrivé des choses graves à ceux qui ne savaient pas taire leurs connaissances au bon moment. Sur ce, bonne journée.

Je le contournais, tellement en colère que je tremblais. Mes pupilles devinrent deux fentes. Je me fondis dans la foule. Je savait qu'il allait se retrouner, chercher du regard une chevelure rousse. Qu'il essaye, un peu. Quelques instants plus tard, j'avais disparu.

La jeune femme rousse paraît furieuse. Sa voix est très froide. Je m'excuse maladroitement pour ma curiosité lorsque arrive un mage-soldat. Le commandant. Je ne suis pas néanmoins en service et je ne le salue qu'en lui faisant un signe de tête. Après une brève dispute, la jeune femme s'éloigne, très en colère, sans m'adresser un regard. Je n'en suis pas fâchée et ironise :

- Félicitations, vos allusions n'étaient pas discrètes à vrai dire... Avec tout le respect que je vous dois, monsieur El Aultan.

Plus sérieuse, je reprends :

- Kegan Alcinie. La nouvelle effectivement. Et pour tout avouer je n'ai pas vraiment eu le temps de visiter Olthad.