Visiteuse improviste

J'entre dans cette taverne où un terrible brouhaha règne. Je ne me sens pas à l'aise dans un tel endroit. Je sens certains regards se poser sur moi, et cela me gène. Je méprise ouvertement ces personnes et leur fait comprendre. Nous n'avons pas les mêmes valeurs.

Au comptoir, je remarque une femme d'âge mur. Je conclue qu'elle doit être la maitresse de maison et m'approche. Je pousse violemment deux hommes à moitié ivres. Etonnés de ma force, ils manquent de tomber à terre. Cela a le privilège de faire fuir les quelques hommes alentours et de me laisser un espace libre assez convenable devant la femme. Dans la salle, personne n'a rien remarqué.

- Je voudrais parler à la jeune fille qui travaille ici, annonçai-je, promptement.

Je vois la lèvre de la femme trembler.

Je suis dans le fond de la salle lorsque je vois entrer la chef des Soeurs de Morrigan. Je me tapi dans un espace sombre à côté d'une table où des hommes rient en lançant des propos grivois. Je fais signe à ma mère que je ne suis pas là. Elle obéit.

- Vous voulez dire ma fille ? Rosa ? Pas là.

Je ne vois pas l'expression du visage de la femme. Elle me tourne le dos. J'espère qu'elle ne sait pas que ce n'est pas vrai. Je ne doute pas un instant qu'elle fut capable de tuer ma mère.
Cela me fait penser à ma visite à Morrigani. Finalement ma tante n'était pas si mal que cela. Elle avait juste besoin de compagnie.

- Elle est encore à Morrigani, ment effrontément ma mère.

- Très bien, réponds-je sèchement.

Je lance un regard noir à la femme et lui souris ironiquement. Vivement, je lui tourne le dos et pars m'asseoir à une table vide. Le brouhaha me dérange encore, mais je dois trouver un moyen de voir la fille. Même les regards m'indiffèrent. J'attends. Quoi ? Je ne sais pas.

Ma mère s'approche de la soeur de Morrigan. Je ne sais pas si elle a deviné qui se tient devant elle.
- Vous désirez boire quelque chose ?
Son fort accent des campagnes la trahit pour ceux qui la connaissent. Elle a peur. D'habitude, elle veille toujours à cacher cette particularité de sa voix si rude "pour ne pas gêner le client" comme elle dit. Maman se penche vers Jûne et lui murmure à l'oreille. Je n'entends pas mais je devine à l'expression des visages des deux femmes qu'elle lui demande ce que la grande Soeur me veut.
Je suis hypnotisée. Même le brouhaha ambiant ne me parvient plus aux oreilles. Je suis pendue aux lèvres de Jûne. Inconsciemment j'espère qu'aucun client ne m'interpellera en criant "Rosa" comme ils ont l'habitude de le faire.